LES AVENTURES DE BLAKE ET MORTIMER
L'éloboration d'une aventure de Blake et Mortimer doit répondre à certaines règles qui procurent toute leur magie aux albums. Ces règles sont notamment le graphisme, qui doit suivre le courant de la ligne claire, le récitatif doit prendre une place importante dans la narration de l'histoire, et le cadre de l'action doit renforcer l'impression de réalité. Ces divers éléments sont constitutifs de la méthode Jacobs

La ligne claire

L'école de la ligne claire remonte à la création du journal de Tintin par Hergé en 1946. Ce dernier impose une direction artistique précise à son équipe de dessinateurs. Hergé définit le style: "Eliminer tout ce qui est graphiquement accessoire, styliser le plus possible, choisir la ligne qui soit la plus éclairante. Le trait noir, toujours bien fermé et net, enserre des aplats de couleurs."

Une génération de dessinateurs se place sous son influence, et seul Jacobs enrichira le style d'Hergé en lui apportant la rigueur, la minutie et le sens des couleurs. Tombé en désuétude durant les années 70, le courant renaît en 1980 sous l'influence d'une nouvelle génération d'auteurs (Ted Benoit, Chaland, Swarte...). Cependant, la nouvelle ligne claire a souffert d'un certain manque d'idées nouvelles. Hergé n'a-t-il pas déclaré que "Bien sûr, le dessin est un aspect important de la question. Malheureusement, aujourd'hui ce travail se fait trop souvent au détriment de l'histoire. Or, la ligne claire, ce n'est pas seulement le dessin, c'est également le scénario et la technique de narration."

L'art du récitatif

Le récitatif est un texte ou un commentaire figurant dans l'image sans être attribué à l'un des personnage du récit. Cet élément prend une place extrêmement importante dans les Blake et Mortimer.

La théorie veut que le récitatif Jacobsien dévoile l'intériorité d'un personnage, mais il suffit d'ouvrir un album pour trouver des exemples de narratifs qui sont simplement un écho à l'action dessinée. Ils renferment souvent une précision que le dessin seul ne peut apporter. Le narratif remplit là les fonctions d'un son ou d'une voix off, et renforce la continuité entre les cases tout en les économisant puisqu'en certaines occasions, le récitatif étend sa description aux instants qui précèdent ou suivent l'image figée dans le case.

L'impression de réalité

L'extrême minutie Jacobsienne a désormais sa légende, ses morceaux de bravoure qu'on cite rituellement: les horaires d'autobus du Caire que Jacobs s'est procuré non sans mal, ou les couvercles de poubelles japonaises.

Au delà d'une éthique personnelle particulièrement pointilleuse, il faut sans doute y voir une conviction quasi-superstitieuse: que le moindre détail, même peu visible concourt à l'impression de réalité de l'ensemble.

La méthode Jacobs

La méthode de Edgar P.Jacobs pour réaliser un album explique sans doute une production relativement limitée. Elle est surtout essentielle pour atteindre cette alchimie qui fit des Blake et Mortimer des albums de légende.

Suite à l'idée de départ, Jacobs se lance dans une phase de préparation longue et minutieuse avant d'attaquer le dessin des planches. Le cheminement peut se résumer ainsi:

• Etablissement du synopsis.
• Recherche de la documentation, avec si possible un voyage de prospection sur les lieux.
• Développement du scénario et recherche du titre de l'histoire.
• Premier découpage mêlant texte et croquis.
• Deuxième découpage, épuré, et condensé au nombre de pages disponibles.
• Elaboration du texte.
• Préparation des décors, et établissement des plans des engins.
• Réalisation d'un premier brouillon, selon le deuxième découpage.
• Execution d'un second brouillon épuré dans lequel il situe les personnages dans leurs décors respectifs.
• Report de l'ensemble sur papier à dessin, et à l'encre de Chine.